Dans le cadre d’un arrêt de travail de plus de 2 ans et d’un lourd parcours de soins, Laurence s’est soignée et a pu faire avancer son projet de reconversion professionnelle. A l’image des 1 501 assurés accompagnés en Côte-d’Or en 2023 par le service social de l’Assurance Maladie sur la prévention de la désinsertion professionnelle, elle témoigne de son cheminement.
En 2020, Laurence a été opérée pour un problème de santé bénin. L’intervention s’est bien passée. Mais en 48 heures son état de santé s’est dégradé jusqu’à tomber dans le coma et engager son pronostic vital. Un long parcours de soins intensifs et de multiples interventions chirurgicales ont suivi, avec un arrêt de travail de plus de 2 ans durant lequel elle s’est soignée et a travaillé un projet de reconversion professionnelle. Laurence est aujourd’hui biographe hospitalière, salariée à temps plein d’une association. Elle nous raconte son parcours, de sa vie "avant l’arrêt de travail" à sa vie "d’après", avec tous les obstacles qu’elle a réussi à surmonter.
Auparavant, vous étiez éducatrice spécialisée. Pendant combien de temps avez-vous exercé ce métier? Quels facteurs vous ont amené à envisager une reconversion professionnelle ?
J’ai commencé ma formation en 2008, obtenu mon diplôme en 2011. J’ai commencé à travailler et j’ai donc exercé ce métier pendant 12 ans. Je travaillais à la protection de l’enfance, dans un foyer éducatif. J’adore la relation d’aide et j’ai adoré travailler avec les ados, c’était très enrichissant. On dit souvent que la limite du travail d’éducateur en internat est de quelques années : j’avais dépassé la date de péremption, j’en étais à 9 ans ! Même si les jeunes me le rendaient bien et que je pensais que j’avais encore du travail et de belles choses à faire avec eux, j’éprouvais une perte de sens, d’intérêt, je crois que j’avais fait le tour. J’étais arrivée à un moment dans mon parcours où il était temps de tourner la page.
En 2019 mes problèmes de santé ont pris de plus en plus de place dans ma vie : mon corps et mon esprit n’étaient plus en phase. Jusqu’au jour où je me suis retrouvée avec 41,5°c de fièvre au travail et que je n’ai plus jamais pu envisager y retourner du fait de mon état de santé. Aujourd’hui, oui je peux dire que mes problèmes de santé ont été une opportunité même si cela faisait un petit moment que mon projet de reconversion professionnelle couvait : j’ai réussi à le concrétiser au moment de mon arrêt de travail.
Pendant votre arrêt de travail, quels ont-été les soutiens dont vous avez bénéficié au niveau personnel et par l’intermédiaire de professionnels accompagnants ? Quel rôle a joué le service social de l’Assurance Maladie ?
D’abord, je dois dire que j’ai un entourage familial et amical exceptionnel. Et j’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment. Au niveau des professionnels, j’ai rencontré deux assistantes du service social de l’Assurance Maladie. Mme Jolly, l’assistante sociale, a d’abord été un guide quand je me demandais ce que je pouvais devenir avec un arrêt maladie. J’avais plein d’interrogations car je pensais que je ne pourrais pas revenir à un travail du fait de ma santé. Et puis la Covid est arrivé. Moi j’étais déjà confinée dans ma maladie, je n’ai pas du tout vécu cette période comme tout le monde.
L’assistante sociale de l’Assurance Maladie a été un intermédiaire avec mon médecin traitant et le médecin–conseil de l’Assurance Maladie. Elle a demandé et obtenu son accord pour que je fasse un bilan de compétences pendant mon arrêt de travail. J’ai utilisé mon CPF (compte personnel à la formation) et j’ai été accompagnée pour mon bilan par une conseillère formidable du CIBC (Aurélie Raveau). Nous avons réalisé les rendez-vous en visio à cause de la Covid. J’avais déjà pas mal réfléchi et je connaissais mon savoir-faire. J’ai eu la chance ensuite de pouvoir finaliser le bilan en présentiel à la levée du confinement. J’ai pu confirmer le projet qui me tenait tant à cœur : devenir biographe hospitalière.
Je dirais que les indemnités journalières et mon conjoint qui continuait de travailler ont aussi été des soutiens indirects. Sinon comment pourrait-on vivre en étant en arrêt maladie ?
Ensuite, j’ai rencontré Mme Meye, travailleur social au sein du service social de l’Assurance Maladie. Elle a joué un rôle encore plus déterminant car je ne savais pas que l’on pouvait faire une formation pendant un arrêt de travail. Elle m’a informée, guidée et a également joué un rôle d’intermédiaire avec le médecin-conseil. Je voulais me tester, être à nouveau en lien avec les autres. La formation de biographe hospitalière commençait 3 semaines après que j’ai subi une grosse intervention chirurgicale. Je devais pouvoir être assise, me reposer mais j’étais motivée. Je me suis dit que ce ne serait pas possible, que le médecin-conseil ne dirait jamais oui vu mon parcours. Je me disais si c’est non, que vais-je faire ? A ce stade, j’ai beaucoup angoissé et en 2 jours Mme Meye avait une réponse positive de la part du médecin-conseil. Mme Meye a été très réactive, présente par téléphone et à mon domicile, et m’a soutenue !
A posteriori, diriez-vous que votre arrêt maladie comportait un cadeau caché ?
Oui et non. Ça m’a permis d’aller au bout de cette démarche qui me trottait depuis un certain temps dans la tête. Un arrêt maladie bouge tout sur le plan personnel, social, familial, et professionnel. Sur le plan professionnel, ça devenait difficile depuis un certain temps, avec une institution que je trouvais dysfonctionnante : j’avais fini de me battre et j’avais déjà commencé à réfléchir. Dans le contexte Covid, le fait que je sois à la maison, dans un endroit sécurisant, m’a permis de prendre le temps de poser mon cerveau et de réfléchir.
J’avais déjà été du coté soignant mais je n’avais jamais été soignée. La maladie m’a aidée à mieux me connaître et mieux comprendre les autres. Le fait d’avoir été malade fait de moi une meilleure professionnelle aujourd’hui parce que j’ai traversé la maladie, je l’ai vécue. C’est une histoire avec le corps et avec le cœur, ça m’a parlé deux fois plus.
Si vous rencontriez une personne en arrêt qui se questionne sur son devenir, que lui conseilleriez-vous?
Je lui dirais que prendre soin de soi, c’est s’entourer des bonnes personnes et aller frapper à certaines portes malgré l’arrêt maladie. Un arrêt c’est fait pour prendre soin de soi, soigner son corps et son esprit.
Je ne suis pas sûre que tout le monde sache qu’un service social existe à l’Assurance Maladie. Moi je savais qu’il y avait des médecins, infirmières, des assistantes sociales et qu’il fallait aller les rencontrer car ils sont au cœur du sujet.
Il y a plusieurs phases dans la maladie, des moments de peur, d’incompréhension, d’angoisse, de questions, de doutes…
Les deux professionnelles du service social de l’Assurance Maladie m’ont guidée alors que j’étais perdue, je ne savais pas comment m’y prendre. Mme Jolly m’a dit de faire attention à moi. A un moment elle m’a dit « là ce n’est pas le moment, c’est le moment des soins, on va y aller étape par étape… » et j’ai eu confiance en elle. Elle m’avait bien expliqué que le service social et le service médical de l’Assurance Maladie étaient là pour la prévention de la désinsertion professionnelle.
Lors d’une épreuve de vie telle que la maladie, il existe des soutiens pour pouvoir rebondir vers un mieux. Le parcours de Laurence en est une belle illustration et un beau message d’espoir à partager.
> Pour favoriser le maintien en emploi, des outils, dispositifs et structures facilitatrices sont également en ligne.